7 janvier, 2023
Au moment d’écrire ces lignes, la résidence la plus chère du marché de location québécois se trouve sur un domaine de 235 arpents à Sainte-Julie. Entourée de terres et de boisés, possédant deux lacs et une plage privés, une maison pour les employés d’entretien, six garages et une cuisine intérieure capable d’accueillir un chef à domicile, la propriété se loue pour la modique somme de 30 800 $ par mois.
Si le prix comprend les meubles, l’aménagement paysager, le déneigement et les taxes, il exclut l’entretien intérieur et la consommation énergétique. Pourtant, gageons que la clientèle capable de s’offrir de telles mensualités pourra payer les coûts afférents… « Le domaine a déjà été loué par des Chinois extrêmement riches, quelques personnes d’affaires, des vedettes américaines et québécoises », explique le courtier Mathieu Laliberté.
Selon son expérience, rares sont les résidences de luxe louées moins de 10 000 $ par mois.
« Au centre-ville et dans le Vieux-Montréal, on retrouve des penthouses super modernes qui peuvent se louer très cher. Si on s’éloigne de ces secteurs, on parle de propriétés qui dépassent tous les standards. »
— Mathieu Laliberté, courtier
Le courtier Joseph Montanaro est très actif dans Westmount, Outremont et à Mont-Royal. « Ce qui constitue le marché de luxe, c’est la grandeur de la maison, la décoration, le choix des matériaux, la présence d’une piscine, si c’est meublé, si la cuisine et les salles de bains ont été rénovées récemment, dit-il. J’ai loué des maisons à 15 000 $ par mois dans ces secteurs. »
Il observe que plusieurs investisseurs ont acheté des copropriétés au centre-ville pour les louer. « Par ailleurs, avec le marché immobilier qui a baissé et les taux d’intérêt qui ont monté, plusieurs personnes n’arrivent pas à vendre, dit M. Montanaro. Au lieu de perdre de l’argent en vendant, elles louent leur condo. »
Année après année, les ultrariches se succèdent dans ces résidences. « On voit des artistes en tournée ou des gens d’affaires voyageant beaucoup pour le travail, qui ne veulent pas acheter immédiatement et qui louent durant un an ou deux », explique Mathieu Laliberté.
Son collègue ajoute à la liste les PDG d’entreprises qui demeurent au Québec pour trois ou quatre ans, les ambassadeurs qui préfèrent louer, les personnes qui ne veulent plus les responsabilités des propriétaires, ainsi que les gens entre deux maisons, comme lui-même. « J’ai vendu ma maison cette année, mais je n’ai pas encore trouvé ma nouvelle propriété, dit M. Montanaro. Donc, j’ai loué une propriété spacieuse, bien située, avec un garage double, ce qui est rare pour les maisons au centre-ville. »
Bien qu’on puisse douter de la pertinence de payer l’équivalent d’une année de salaire pour trois mois de location, la démarche s’avère bénéfique dans certains cas. « Le domaine à Sainte-Julie coûte environ 200 000 $ par année pour payer les employés et l’entretien, souligne Mathieu Laliberté. Donc, si tu gères bien ton argent et que tu veux en profiter sans avoir à payer les coûts fixes, tu vas sûrement préférer louer. »
Sans oublier que ces propriétés de luxe, dont la valeur se compte en millions, peuvent être longues à vendre. D’où l’intérêt de louer.
« Même si les coûts de location peuvent nous sembler faramineux, ça reste beaucoup moins élevé qu’à Toronto, Vancouver, New York, Miami et Los Angeles. Là-bas, pour le même produit, c’est trois à quatre fois plus cher. »
— Joseph Montanaro, courtier
Qui dit milliers de dollars en location dit… attentes élevées. « Quand on paie ce prix, on peut s’attendre à des pièces fraîchement peinturées, une grande propreté ou des modifications faites avant d’aménager, dit M. Montanaro. Quand un locataire veut un bail de plusieurs années, les propriétaires seront plus enclins à rendre les maisons plus belles. »
Puisque la clientèle de luxe est souvent à l’extérieur du pays, Mathieu Laliberté échange régulièrement avec ses adjoints ou un courtier de confiance choisi par le riche locataire pour faire la visite.
Quant aux célébrités, leurs comportements diffèrent. « Certaines vedettes sont habituées à obtenir un traitement VIP ou des gratuités », dit M. Laliberté. D’autres ne veulent pas se faire lancer des fleurs ni recevoir un mois en cadeau en raison de leur statut. « Bien des stars n’aiment pas sentir qu’on les considère uniquement sous l’angle de leur célébrité. Elles sont terre à terre et se concentrent sur la propriété. »
Quelques personnes riches, mais non célèbres, aiment savoir que des vedettes ont déjà occupé la propriété. « Des vedettes demandent qu’on taise leur identité, mais d’autres nous donnent le droit d’en parler après un certain délai, si on leur donne un rabais », ajoute-t-il.
« Certains locataires pensent que si la propriété était bonne pour une vedette, elle peut l’être pour eux aussi, mais je ne pense pas que ça fasse une grosse différence », dit M. Montanaro.
Joseph Montanaro affirme que les locations représentent moins de 5 % de son chiffre d’affaires. « Je n’en fais pas énormément, car c’est le même travail, sinon plus, que de vendre une propriété : on montre une maison, on fait la promesse de location, les négociations entre le locataire et le propriétaire, les démarches de crédit et encore plus de suivis quand les gens y vivent. »
Dans l’industrie, les courtiers qui s’occupent de ces locations sont payés l’équivalent d’un mois de location. « Si le locataire est représenté par un courtier, on leur donne la moitié, même si on a assumé bien plus de frais », précise Mathieu Laliberté, dont les locations représentent environ 15 % de son travail.
Alors, quelqu’un veut louer le domaine de Sainte-Julie ?